La chouette

La période médiévale

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Église Saint-Julien de Mars sur Allier, chapiteau représentant une chouette

Sous l’Antiquité, la chouette est l’oiseau sacré d’Athéna, déesse de l’intelligence, en raison de son acuité visuelle nocturne. Mais au Moyen Âge, la symbolique devient autre, et l’aspect retenu est inversé. L’accent est porté sur ce que possède d’inquiétant ce volatile aux mœurs étranges, puisqu’il vole la nuit, et devient aveugle le jour. De plus, son cri effraie. Par conséquent, la chouette est parfois utilisée pour figurer celui qui fuit la lumière de la Vérité, de la parole divine. Aussi les hommes du Moyen Âge comparaient-ils les Juifs à des chouettes. Enfin, la chouette est l’ennemie des petits oiseaux, comme le rossignol. Le sculpture médiévale a beaucoup utilisé ce motif, notamment sur les chapiteaux romans.

La Renaissance

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Jérôme Bosch, La nef des fous, vers 1500, 58 x 33 cm, Paris, musée du Louvre

Le peintre met ici en scène des personnages dans des postures peu flatteuses : ivres et obsédés par la nourriture. Il semblerait que cela soit une satire des religieux (les personnages du premier plan) mettant en cause le salut de leur âme. Cette image du clergé catholique dévoyé laissant la barque de l’Église à la dérive renvoie certainement à l’une des critiques véhiculées par la Réforme protestante.

Les passagers de la barque sont dominés par un mât surmonté de fleurs, dans lesquelles prend place un visage de chouette, faisant fortement penser à une tête de mort. La présence de ce volatile n’est pas sans rappeler la signification que lui attribuaient les hommes du Moyen Âge : une chouette, pour rappeler l’homme qui fuit la parole de Dieu. De plus, sa ressemblance frappante avec une tête de mort semble présager du funeste sort qui attend les passagers.

Temps modernes

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École française du XVIIe siècle, La chasse à la chouette, ou La Belle et ses Adorateurs, huile sur toile, 120 x 100 cm, coll. part.

La chasse à la chouette utilise une technique particulière de chasse dite « à la pipée », qui consiste pour les chasseurs à imiter le cri de la chouette pour « attirer des oiseaux dans un arbre dont les branches sont remplies de gluaux où ils se prennent » (Jean Nicot, Thresor de la langue française, 1606). Cette pipée est utilisée dès l’époque médiévale, jusqu’au XVIIe siècle, au sens figuré cette fois : les farces médiévales et les peintures mettent en scène de jeunes femmes attirant des hommes afin de les berner. La dame est utilisée comme appât, tandis que volent autour d’elle des oiseaux à têtes humaines, c’est-à-dire les hommes attirés par le piège. On peut y voir une mise en garde contre les femmes de mauvaise vie. Cela rappelle le fait que la chouette est l’ennemie des petits oiseaux : elle était d’ailleurs utilisée au XVIIe siècle afin de les attraper.

Le XIXème siècle

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Église Saint-Julien de Mars sur Allier, chapiteau représentant une chouette

Cette chouette, ou hibou grand-duc, symbolise Eugène Viollet-le-Duc, qui fait construire son immeuble en 1862. Il avait choisi de placer l’oiseau sous les fenêtres de son atelier. Par le témoignage du peintre Jules Laurens, on sait que lorsque l’on se rendait chez Viollet-le-Duc, on voyait des sculptures de grand-duc dans les niches de la façades. Ici, la symbolique négative médiévale est inversée, puisque Viollet-le-Duc choisit au contraire cet animal pour sa capacité à voir dans le noir, là où les autres ne voient rien. Dans le hall de l’immeuble, le sol était fait d’une mosaïque ornée de hiboux, de chats et de serpents : là encore, des animaux qui voient la nuit. Viollet-le-Duc s’assimile donc à un voyant. En outre, sa place sur un chapiteau rappelle la chouette de l’église Saint-Julien de Mars sur Allier.

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