Le lapin

L’époque médiévale

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Tenture de la Dame à la licorne, 377 x 473 cm, Paris, 4e quart du XVe siècle – 1er quart du XVIe siècle, tapisserie, Paris, musée national du Moyen Âge – Thermes et hôtel de Cluny

Le lapin, par sa facilité à se reproduire, fait de lui un symbole de fertilité, de la fécondité humaine, dans des temps où la mortalité infantile atteignait des taux considérables. Il est donc convoqué dans les images afin de remédier à ce fléau. Fléau, le lapin l’est aussi pour les cultures : au Moyen Âge, il est donc l’ennemi naturel de ceux qui cultivent la terre. Ce léporidé est ainsi représenté dans les bordures des manuscrits, en tant que cible des chasseurs, nobles et paysans. Aux XVe et XVIe siècles, le lapin est très souvent représenté sur les tapisseries aux mille fleurs.

Le motif du lapin est visible quatre fois dans la tapisserie de l’Odorat, de la tenture de La Dame à la licorne. Cette tenture à l’iconographie profane représente une allégorie des cinq sens. Ces tapisseries figureraient également une métaphore sexuelle, de l’amour et de la séduction. Les allusions charnelles se retrouvent dans les animaux, disposés par paire. Le lapin est l’animal le plus représenté. Appelé « conil » au Moyen Âge, il fait allusion au con, sexe féminin. La dame fait ici par ailleurs un geste phallique, qui symbolise une union souhaitée.

La Renaissance

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Titien, La Vierge à l’Enfant avec sainte Catherine et un berger, dite La Vierge au lapin, vers 1520-1530, 71 x 87 cm, Paris, musée du Louvre

Mais la symbolique du lapin peut changer, dès lors qu’il devient l’attribut d’un personnage biblique, mythologique ou historique. Dans son tableau, Titien représente la Vierge immobilisant un lapin, le montrant à l’Enfant remuant que tient sainte Catherine. Ici, le lapin blanc devient symbole de pureté mariale, de la résurrection du Christ, ou encore du mystère de l’Incarnation. Dans cette représentation, le lapin est donc doté d’une connotation plus que positive, qu’il doit à sa couleur immaculée.

Temps modernes

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Jean-Siméon Chardin, Lapin mort et attirail de chasse, 1728-1729, 81 x 65 cm, Paris, musée du Louvre

Reçu à l’Académie dans le genre « animaux et fruits » – catégorie créée spécialement pour lui – Jean-Siméon Chardin s’illustre dans des genres mineurs, notamment la nature morte (le terme apparaît au milieu du XVIIIe siècle). Dans ce tableau, Chardin figure sans concession un lapin mort ainsi que l’attirail de chasse qui a sûrement servi à abattre. Les empâtements qui accrochent la lumière et le travail de textures donnent une impression de réalisme. Il semble que le peintre emploie ce motif à titre décoratif, au contraire de la signification symbolique utilisée par les nordiques. Peut-être peut-on faire un lien avec les chasses médiévales, menées contre ces petits mammifères qui ravageaient les récoltes.

De nos jours

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Cracking Art Groupe, Lapins, Bruxelles

Le Cracking Art Group est un groupe fondé en 1993 par six artistes : Alex Angi, Kicco, Marco Veronese, William Sweetlove, Renzo Nucara et Carlo Rizetti. Ils désirent rendre compte de la société actuelle, « enregistrer et montrer des faits qui se sont produits ». Ils s’inspirent de Dada, du pop’art. Leurs œuvres sont réalisées grâce à un procédé chimique (d’où le nom de leur groupe, le cracking) permettant de transformer des matériaux organiques en matériaux synthétiques en cassant les molécules. Après chaque installation, les œuvres sont détruites et recyclées.

Avec leurs lapins colorés, qui interpellent le regard car tranchent avec la grisaille des villes, ces artistes entendent « dénoncer l’absurdité et le danger de la modification génétique ». Le lapin symbolise ici la prolifération, l’explosion démographique. Le groupe fait donc allusion aux « dangers de l’excès de croissance ». Le signe est inversé : au Moyen Âge, cette « prolifération démographique » était encouragée, afin de contrer les conséquences de la mortalité infantile.

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