Le cerf

Dans l’Antiquité

mosaique de chasse au cerf époque héllenistique musée archéologique Pella
Mosaïque de galets représentant une scène de chasse antique, fin IVème siècl av J-C, musée archéologique de Pella.

Pour les Grecs et surtout pour les Romains, le cerf n’est pas un animal digne d’être poursuivi. La chasse au cerf est délaissée et méprisée car l’animal, dans les représentations antiques, est considéré comme faible, peureux, et lâche. En effet, il fuit devant les chiens pour finalement renoncer et se laisser tuer. Cette conception d’animal faible est telle que les Romains appelaient « cervi » (cerfs en latin) les soldats sans courage qui fuyaient devant l’ennemi. La viande du cervidé est elle aussi dépréciée, absente des tables des praticiens car trouvée trop molle et peu hygiénique. Le cerf est donc considéré comme un gibier méprisable, indigne des chasses nobles ou des citoyens. Cette activité sans gloire ni plaisir est laissée au simple paysan.

 

Au Moyen-Age

Dès le Haut Moyen-Age, cette conception du cerf faible indigne d’être chassé et mangé évolue. Le cerf est valorisé et placé au rang d’animal noble. D’ailleurs, la chasse au cerf devient au XIIIème siècle la chasse royale, qui délaisse le sanglier. Cette évolution méliorative de la conception du cerf dans la société médiévale est due au rôle des clercs et autres religieux érigeant le cerf comme gibier aristocratique.

D’une part, pour l’Eglise qui est l’ennemie de toute chasse, la chasse du cerf est moins sauvage que celle de l’ours ou du sanglier. Elle ne se termine pas par une lutte sanglante entre l’homme et l’animal, ni ne dévaste les récoltes. Elle ne plonge pas le chasseur dans un état de rage comme un combat avec un ours ou un sanglier. Par conséquent, elle est plus policée, mieux contrôlée.

hubert le prévost, légende de saint-hubert, vision de saint-hubert, paris, bnf, dép des manuscrits, français 424 folio 9
Hubert Le Prévost et le Maître de Marguerite d’York, La conversion de Saint-Hubert, La vis de Saint-Hub, enluminure sur parchemin, 319×229 mm, vers 1470-1480, Paris, BnF, Mss, Français 424 folio 9.

D’autre part, la religion chrétienne donne au cerf et à sa chasse une symbolique christique forte. En effet, la chasse au cerf peut amener le chasseur à devenir un saint. De nombreuses légendes chrétiennes en témoignent, comme la légende du général romain Eustache, chasseur enragé, qui, lors d’une chasse, vit apparaître un crucifix entre les bois d’un cerf. Suite à cette vision, il se convertit lui et sa famille à la religion chrétienne. Le cerf est aussi considéré par les auteurs médiévaux, comme un symbole de fécondité et de résurrection grâce à ses bois qui repoussent. Il incarne une image du baptême, et un adversaire du mal. Les religieux et les théologiens oublient la dimension sexuelle de la symbolique du cerf pour en faire une image christologique, un animal pur, vertueux, et un attribut ou substitut du Christ au même titre que l’agneau ou la licorne. Dans les ouvrages de vénerie de la fin du Moyen-Age, le cerf est un animal de sacrifice selon des rituels et usages précis. Sa mort est mise en parallèle avec la Passion du Christ.

 

Renaissance et  Temps modernes

tete de cerf, xviiie, musée de la chasse et de la nature
Tête de Cerf , Allemagne, XVIIIe siècle, bois doré et bois de cerf, 150 x 100 cm, Musée de la chasse et de la nature.

Après le Moyen-Age, le cerf garde sa symbolique chrétienne, et la noblesse de sa chasse est représentée dans de nombreuses représentations picturales. A partir du XVIIème siècle, la représentation du cerf n’est plus utilisée pour sa dimension chrétienne mais pour son caractère noble. De nombreux princes et aristocrates n’hésitent pas à collectionner des trophées de cerf, symbole de la domination de l’homme sur la nature. Un exemple célèbre serait Auguste Le Fort (1670-1733), roi de Pologne sous le nom d’Auguste II, qui collectionna deux trophées de têtes de cerf, composés d’une tête en bois doré sculpté de feuilles d’acanthe et de vrais bois de cerf. Le cerf est également repris dans des tableaux aux fins moralisatrices, comme la peinture flamande représentant la fable du cerf ivre, dans un intérieur richement décoré.

 

la fable du cerf ivre, xvii, musée de la chasse et de la nature
La Fable du cerf ivre,  Flandres, XVIIe siècle, huile sur toile, 218 x 389 cm, Musée de la chasse et de la nature.

De nos jours

Le cerf reste un animal fortement utilisé dans l’art d’aujourd’hui. Il n’est cependant plus autant sollicité pour sa symbolique christique ou pour son image de gibier digne d’être chassé, mais plutôt pour sa condition d’animal de la forêt en connexion avec la nature.  Ainsi son image est-elle réutilisée par des artistes contemporains tels que Julien Salaud, dont l’art est profondément lié à la nature et à l’écologie.

taxidermie de cerf, 2011
Salaud, Constellation du cerf (Harpe) II, taxidermie de cerf, clous, coton, acrylique, colle, 215x207x158 cm,
Vue de l’exposition « Rituels », Fondation d’entreprise Ricard, Paris, 2011.

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